trigger warning.

nom complet — [ ISAIAH MALCOLM DEVERAUX ] Ses parents biologiques ne lui ont pas laissé grand-chose, que son nom ; bien sûr, il ignore pourquoi, s'il a celui d'un grand-père ou de l'incroyable El-Hajj Malek El-Shabazz, dit Malcolm X. [ WELSH ] Sa famille d'accueil est rapidement devenue la seule famille qui vaille ; son clan, les siens. Il prend le patronyme du colonel par adoption plénière à ses sept ans, à la mort de sa mère. [ GUTHRIE ] Isaiah n'est pas assez vieux-jeu pour avoir refusé d'endosser le nom de son épouse, bien que, dans les faits, il n'utilise que le sien. âge et lieu de naissance — [ 39 ANS, SAINT LOUIS, MISSOURI ] Il a passé l'essentiel de son enfance et de son adolescence à Andover, une petite ville d'entre-soi du Minnesota, mais c'est à quelques centaines de kilomètres plus au Sud, sur la rive Ouest du Mississippi et dans un quartier à majorité afro-américaine, qu'il est né le 24 janvier 1979. nationalité et origines — [ AMÉRICAINE ] Citoyen de seconde zone mais citoyen américain quand même. [ NOIRES AMÉRICAINES ] Isaiah trouve le terme d'afro-américain impropre car tout porte à croire que ses aïeuls n'ont pas fichu les pieds en Afrique depuis un paquet de générations. orientation sexuelle — [ HÉTÉROSEXUEL ] Il ne voudrait pas mourir ignorant mais l'occasion de dévier vers les mâles ne s'est pas présentée. statut civil — [ MARIÉ À NOVA GUTHRIE ] Isaiah a épousé la seule femme qui lui fasse battre le coeur à mille à l'heure ; deux fois. Ils étaient jeunes, ont divorcé, avant que la vie – leur vie ensemble – ne les rattrape et les marie encore. En passe de récidiver dans le divorce, Isaiah sait qu'il ne connaîtra plus jamais une femme comme Nova, la seule qui lui aille même dans le pire. occupation — [ ANALYSTE FINANCIER INDÉPENDANT ] À la botte d'un Wall Street qui n'a pas hésité à le virer en 2008 quand il a fallu des outsiders à sacrifier sur l'autel de la crise des marchés, Isaiah a fini par monter sa propre société d'audit et d'analyse. Si la société prospère, elle est toujours en quête de nouveaux clients. situation financière — [ FAILLITE ] Il n'en a pas l'air avec son train de vie mais ses addictions creusent de plus en plus sa banqueroute ; à l'heure actuelle, il n'a plus grand-chose et envisage sérieusement de piocher dans la caisse de son bureau d'analyse. situation familiale — [ SANS ENFANT ] Il aurait aimé en avoir ; de Nova, d'aucune autre. À la longue, il s'est fait une raison. C'est en tous les cas ce qu'il prétend. traits de caractère — Hermétique, arrangeant, loyal, rigide, faux-sociable, fuyant, bienveillant, volontaire, pugnace, passionnel, plus exigeant avec lui-même que n'importe qui. avatar — [ CHADWICK BOSEMAN ] groupe — [ TEA ]

QUELLES SONT VOS qualités DANS VOTRE TRAVAIL ?
Il donne beaucoup à sa carrière, ne compte ni son temps ni son énergie, car il y a de la passion dans ce qu’il fait. C’est un défi constant pour lui, d’être à la hauteur, de remporter des victoires, de surmonter ses échecs et de se précipiter dans de nouvelles batailles. En un sens, Isaiah a bâti toute sa vie autour de cette réussite professionnelle et il a trop à perdre, et trop de personnes à rendre fières, pour se permettre d’échouer ou même de faillir.

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ET QUELS SONT VOS défauts ?
La frontière entre le personnel et le profession est ténue. Elle l’est de plus en plus. Quand l’on met tout ce qu’on est dans une entreprise et que ça en devient une partie de soi, la partie qui se maintient à la surface quand tout le reste prend la flotte, il est terriblement facile de perdre pied. Il a conscience de n'avoir jamais compartimenté ; le travail ne s’arrête jamais, ne l’attend pas sur le pas de sa porte quand il rentre pour qu’il le remporte avec lui quand il part le lendemain. Après tout, le boulot est une addiction comme une autre.

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A QUEL MAGAZINE VA VOTRE préférence ?
Ces considérations l'atteignent assez peu, bien qu’il soit cerné par des personnes travaillant ou ayant travaillé pour l’un ou pour l’autre. Sa sœur, par exemple, est photographe pour Cosmo et sa femme a même joué les transfuges ; Isaiah, lui, ne voit qu’une querelle inutile et extrêmement futile, à laquelle il ne prête pas l’oreille ou presque pas. Si ce n’est pas Nova qui l’aura intéressé au sujet, personne ne risque d’y parvenir et de le faire choisir.

C’est un fier partisan du mouvement Black Lives Matter (BLM). Il a longtemps été le garçon basané dans une bourgade de blancs, le seul afro-américain à cent cinquante kilomètres à la ronde. Comme il avait un peu moins de quatre ans lorsque les Welsh l’ont recueilli, il n’a jamais douté que Major et Wade étaient bien ses frère et sœur et ses parents adoptifs, ses parents. New York lui a néanmoins offert une communauté, des gens qui lui ressemblent ; des qui l’appellent Nigga et des qui, au contraire, le traitent comme un transfuge, un traître. Cette ambivalence lui bouffe la vie : trop blanc pour épouser la situation de ses congénères des bas-fonds et trop noir pour se hisser parmi les nantis et les ambitieux. — Il a toujours été le courant sous la surface sans ridule, le plus sage dans les apparences, le plus tempétueux à bien le regarder être. Une éducation de caserne lui a donné le goût des choses organisées, des cols repassés et des jolies manières dans l’espoir d’apparaître exemplaire. C’est pourtant lui qui dérive et qui sombre, qui se détruit depuis des années comme s’il avait pris sur lui de poursuivre le dessein imposé depuis sa naissance. — Son père biologique a été abattu par un policier deux semaines avant sa naissance. Sa génitrice a, quant à elle, été hospitalisée de force, admise pour désintoxication puis transférée en psychiatrie, jusqu’à ce qu’elle se donne la mort en 1985. Un an plus tard, la garde temporaire accordée aux Welsh s’est transformée en adoption et Isaiah devenait officiellement leur fils. — Il n’a aimé qu’une seule fois ; il n’aime que Nova. Les autres femmes, ce sont des distractions, des épisodes plus ou moins longs qui remplissent ses vides et comblent ses manques. Si la femme de sa vie est et sera toujours sa sœur aînée, Major, Nova est celle vers qui il revient toujours. Car elle le pousse dans ses retranchements, l’oblige au meilleur comme au pire, à l’aimer comme à la haïr. La dernière incartade de sa femme a poussé Isaiah vers des abysses qu’il connaît bien, trop, tergiversant entre rappeler l’avocat de leur premier divorce ou se faire une ligne sur les cuisses d’une putain. — Les pontes du secteur financier n’ont pas voulu lui donner sa chance ; qu’importe qu’il ait fait les mêmes écoles, les mêmes stages, et tellement plus de sacrifices qu’eux. Isaiah a la bonne éducation prodiguée par les Welsh mais n’en demeure pas moins afro-américain. Alors ils se sont réunis entre discriminés, les membres d’un même groupe ethnique, pour monter un cabinet d’analyse financière qui les accepte et leur permette de progresser. Depuis, ce sont les préjugés de leurs clients qu’ils doivent combattre mais, au moins, ils ont plus de chances de réussir et tout le loisir de recruter ceux qui, comme eux, ont le potentiel mais pas la bonne couleur de peau ou la bonne origine. — Au début, c’était un verre, puis deux. Tous les soirs. Parfois la drogue. Parfois le sexe. Pourvu qu’il se sente mieux. Isaiah ne se souvient pas de quelle addiction a entraîné les autres, ni vraiment de quand ça a commencé. Ce qu’il sait, c’est que c’est là, en lui, en permanence. Il peut se passer des semaines, des mois, sans qu’il ne ressente rien de spécial, aucun manque, puis c’est une frénésie qu’il ne sait plus contrôler et qui lui bousille le quotidien. À plusieurs reprises, il a tenté de rejoindre des réunions d’anonymes. Jamais il ne s’y est tenu plus de quelques séances. — Il fait de la course à pieds pour se canaliser, du squash pour se défouler, et il essaie une dizaine de sports par an pour tromper son anxiété et feindre une certaine vie sociale ; dans son portefeuille, il y a tout un tas de cartes de club dans lesquels Isaiah n’est jamais retourné. S’astreindre à une discipline physique fait simplement partie de ses fondamentaux. Ça a commencé avec son père, aussi dur que si la maison d’Andover était un régime, puis à l’école, quand il a été las de recevoir les brimades et les coups et qu’il a commencé à se défendre, et même à rendre. Il y a longtemps qu’Isaiah ne se sert plus de cette violence que contre lui mais, de temps en temps, vaincre un adversaire a le même goût de répit que de l’écraser sous ses phalanges. — Ses fesses ont l’habitude des bancs de l’église. On n’a pas forcé Isaiah ; il trouvait les liturgies agréables, les sermons inspirés, les murs protecteurs. Encore maintenant, il en garde de bons souvenirs bien qu’il ait certainement repoussé l’idée de Dieu très en marge de son existence. C’était devenu hypocrite et, surtout, il n’a plus eu le temps. À certains moments, il se verrait bien retourner dans une paroisse, assez loin de l’endroit où il vit et des gens qu’il connaît, mais moins pour retrouver Dieu que ce sentiment de quiétude et d’adéquation perdu dans les temps. — Il n’a plus conduit depuis 2007 et un accident de voiture dont il garde les cicatrices sur l’abdomen. Si, en soi, c’était plus du froissement de tôle que du danger mortel, Isaiah préfère éviter de se trouver derrière un volant. À New York, deuxième ou troisième capitale des taxis (et des chauffeurs privés), c’est une anomalie qui passe quasiment inaperçu et, le cas échéant, il n’a pas trop de mal à en parler. C’est juste un ennui traumatique qu’il ne prend pas le temps de soigner. — À bientôt quarante ans, Isaiah a plusieurs regrets mais rien qui surpasse sa solitude. Il aurait aimé avoir une famille à lui ; pas une fille qui soit celle de Nova et d’un autre homme ; pas forcément de son sang mais qu’il aurait choisi à un moment T de sa vie. Il n’aurait jamais eu le coeur d’y contraindre Nova (qui, par ailleurs, ne lui aurait sans doute jamais cédé) et pas non plus celui de se lancer dans l’adoption. Isaiah n’est pas stupide, il sait que sa vie est toxique, instable, malgré les apparences qu’il rend au jour le jour. Malgré tout, ça le ronge, comme un affront total à ce qu'il est et à l'essence qu'il porte.